mardi 4 mars 2008

La peinture qui décore le haut de ces pages est un exemple typique de ce que peut être l’art « muraliste », ces peintures de rue très colorées qu’on rencontre dans de nombreux pays d’Amérique latine (et également dans quelques coins d’Europe : à Orgósolo, en Sardaigne, par exemple).

Le muralisme, en Amérique latine, est intimement lié à l’engagement artistique en faveur de certains mouvements politiques. Il naît au Mexique au début du XXe siècle, au moment de la révolution zapatiste. Son représentant le plus célèbre est Diego Rivera, mais on peut également mentionner à ses côtés David Alfaro Siqueiros ou Rufino Tamayo. La clé des « murales » mexicains est d’abord politique : la peinture s’affiche dans la rue et dans les lieux publics comme un art démocratique et non plus comme une activité restreinte à quelques connaisseurs éclairés ; elle est porteuse de symboles libertaires, se veut le vecteur du message révolutionnaire et des revendications populaires. Mais les années où voient le jour les premières toiles des grands muralistes mexicains correspondent aux heures de gloire du cubisme et au grand élan du surréalisme. Le message politique réaliste des peintures se mélange donc bien souvent à des motifs plus oniriques, inspirés de ces deux tendances artistiques, dimension que vient encore renforcer le jeu sur des couleurs extrêmement vives et mélangées. Rufino Tamayo, en outre, introduit dans le muralisme des figures et des thèmes issus de l’art et du mythe indigènes, privilégiant progressivement cet intérêt ethnologique au détriment du message politique.

Après le Mexique, c’est au Chili que le muralisme a peut-être connu son essor le plus important, à partir de la fin des années ’40, au moment où le parti communiste chilien, relativement puissant à l’époque, subit une série de répressions ordonnées par Alfredo Duhalde, alors président intérimaire. En 1946, plusieurs ouvriers sont tués lors d’une manifestation. L’une d’elle, Ramona Parra, donnera son nom à l’une des « brigades » de muralistes les plus actives depuis lors. C’est en 1964, lors de la première campagne présidentielle de Salvador Allende, que la brigade Ramona Parra et de nombreux autres groupes d’artistes entreprennent un travail régulier de peinture des rues, d’abord dans une perspective propagandiste. Ils peignent de nuit et les gigantesques dessins qu’ils font naître en quelques heures, trompant la surveillance des autorités, demande une organisation qui force le respect. Jusqu’en 1973, l’art muraliste se développe énormément au Chili. La teinte politique des peintures est pour ainsi dire toujours présente. Les revendications concernent essentiellement le statut des ouvriers, la dignité du peuple, la réappropriation des richesses naturelles du pays exploitées par les nations étrangères ou le statut du peuple mapuche. Au moment du coup d’état, nombre d’artistes désormais reconnus comme muralistes doivent fuir le pays. Les peintures sont effacées sous le gouvernement Pinochet, et l’activité des brigades cesse pour ainsi dire complètement jusqu’en 1979, au moment où de nouvelles grèves éclatent, malgré la répression. La peinture de rue reprendra vie tout au long des années ’80 et de nombreux artistes, toujours exilés ou de retour au pays, collaborent aujourd’hui officiellement à des travaux de commémoration. Si le message du muralisme actuel s’est adouci, il n’en reste pas moins très engagé, marqué par la culture populaire et porteur de symboles de ralliement patriotiques tantôt réels (les ressources naturelles), tantôt jouant avec le mythe (l’identité indigène commune de tous les Latino-Américains, les symboles incas, etc.)

A Santiago du Chili, les « murales » existent encore dans plusieurs quartiers, dont certains sont difficilement accessibles au simple touriste. On trouvera quelques exemples de ces peintures sur mon site de photographie.

Le « mural » qui décore les présentes pages est issu de brouillons et d’ébauches réalisées essentiellement par la brigade Ramona Parra. Je les ai assemblés moi-même dans la composition que vous pouvez voir, ajoutant quelques touches personnelles.

Liens : - Colectivo Brigata Ramona Parra ;

- Les peintres muralistes au Mexique.

Commenter cet article

0 Commentaires: