vendredi 18 avril 2008

Silvio Rodriguez est, avec Pablo Milanes, le représentant le plus doué du mouvement de rénovation de la musique cubaine qu'on a appelé la « nouvelle chanson cubaine » (nueva trova cubana), née dans les années 1960.

Dès le milieu du XIXe siècle, la culture musicale cubaine se développe comme un mélange de mélodies traditionnelles et de compositions individuelles originales, puisant dans les motifs de la musique hispanique aussi bien que dans les origines africaines d’une partie de la population de l’île. Les instruments à cordes sont privilégiés et les textes, souvent très poétiques, racontent le quotidien.

La nouvelle chanson cubaine a en partie renoncé aux sonorités et aux rythmes afro-cubains auxquelles nous ont habitué des musiciens comme Ibrahim Ferrer ou Compay Segundo. Si l’engagement politique est présent dans de nombreuses compositions de Rodriguez, Feliù, Nicola ou Milanes, les textes ont surtout pour caractéristique d’être extrêmement travaillés, parfois un peu mystérieux ; les accompagnements sont relativement sobres mais harmoniquement très originaux, et le rôle de la guitare devient central, comme conçu pour dialoguer avec le chant. Chez Rodriguez, à partir de la fin des années ’70, les accompagnements à la guitare sont de véritables partitions autonomes qui témoignent d’un travail de composition poussé.

Je publierai plusieurs articles relatifs aux chansons de Silvio Rodriguez. Voici pour commencer une chanson d’amour (ou de rupture, plutôt) assez simple du point de vue guitaristique. Le texte contient déjà un certain nombre d’images très oniriques qui laissent le champ libre à l’interprétation. Il s’agit d’une chanson inédite, « femme au chapeau » ou « apologie de la femme au chapeau ». La qualité sonore n’est pas optimale, mais c’est une chance de pouvoir accéder à cette pièce.



Mujer con sombrero

Yo no vine aquí viniste tu
yo no te esperaba y te bese.
se supone que debo callar
se supone que debo seguir.

Se supone que no debo protestar
se supone que eres un regalo
que se me rompió en seguida
y ahora nada, lo de siempre
se supone que eres el sombrero
de una fiesta, de esos de cartón
para la ocasión... ¡Oh mujer!

Si supieras lo breve que entraba
la luz, en la casa de un niño
en un alto edificio
y que era la hora esperada del día
no me hubieras tocado en el hombro
una vez... ¡Oh mujer!

Si supieras lo breve que entraba
esa luz, en una casa que se llamaba
la noche, es una casa
en la que no había mas puertas
que las de la razón de aquel niño
sin fe.

Ahora, se supone y nada mas
yo también quisiera suponer
que la cobardía no existió
que es un viejo cuento de dormir.

Pero quedo yo en medio de mi
y en medio de las mismas paredes
sonriendo a los amigos
yendo allá, desayunando
pero quedo yo, aquí
aplaudiendo una vez mas
a los fantasmas de las tres
¡Oh mujer!

Ojala que contigo se acabe el amor
ójala hayas matado mi ultima hambre
que el ridículo acaba implacable
conmigo, y yo de perro fiel
lo transformo en canción.
¡Oh mujer!

No te culpes, la culpa es un juego
de azar, nadie sabe lo malo
que puede ser riendo
y lo cruel que pudiera salir
un regalo.

No te asustes del día que va a
terminar, no te asusten los puentes
que caigan al mar
no te asustes de mi carcajada final.

Femme au chapeau (ou Apologie de la femme au chapeau)

Ce n’est pas moi qui suis venu ici, c’est toi,
je ne t’attendais pas et je t’ai embrassée,
je suis censé me taire,
je suis censé continuer.

Je suis censé ne pas protester,
tu es censée être un cadeau
que j’aurais cassé immédiatement.
Et maintenant plus rien, comme toujours.
Tu es censée être le chapeau
d’une fête, un de ces chapeaux en carton
fait pour l’occasion… Oh! Femme!

Si tu savais combien brièvement entrait
la lumière, dans la maison d’un enfant,
dans un grand immeuble,
et que c’était l’heure du jour qu’il attendait,
tu ne m’aurais pas frôlé le dos
un jour… Oh! Femme!

Si tu savais combien brièvement elle entrait
cette lumière, dans une maison qui s’appelait
la nuit, c’est une maison
dans laquelle il n’y avait pas plus de portes
que celles de la raison de cet enfant
sans foi.

Et maintenant, il semble, et rien de plus…
Moi aussi j’aimerais pouvoir prétendre
que la lâcheté n’a jamais existé,
que c’est un vieux conte pour s’endormir.
Mais c’est moi qui reste au milieu de moi
et au milieu des mêmes parois,
souriant aux amis
allant par là, déjeunant,mais c’est moi qui reste, ici,
applaudissant une fois de plus
les fantômes de trois heures.
Oh! Femme!

Pourvu que l’amour se termine avec toi,
pourvu que tu aies tué ma dernière faim,
car le ridicule en finit implacablement
avec moi, et moi, en chien fidèle,
je le transforme en chanson.
Oh! Femme!

Ne sois pas coupable, la culpabilité est un jeu
de hasard, personne ne sait le mal
que peut faire un rire
et combien cruel peut être
un cadeau.

N’aie pas peur de ce jour qui va
finir, n’aie pas peur des ponts
qui s’échouent dans la mer,
n’aie pas peu de mon dernier éclat de rire.

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1 Commentaire:

  1. Samuel a dit...
    C'est effectivement une magnifique chanson et la traduire permet aux non-hispanophones d'accéder à cette poésie cubaine et de pouvoir s'en délecter. Je me réjouis de lire d'autres traductions de ses chansons !

    Samuel