mardi 15 avril 2008

Le 11 avril 2002, un coup d’État tentait de renverser le Président vénézuélien Hugo Chavez. Le soutien massif du peuple avait permis de contrer le putsch. Dans le Venezuela de Chavez, ces événements revêtent une importance symbolique particulière. Chaque année, depuis 2002, on fête comme le symbole du « triomphe du peuple » les événements de la mi-avril.

Au sein des commémorations a pris place cette année un grand colloque réunissant plus de 50 intellectuels de toutes provenances autour de la question suivante : comment produire avec les armes offertes par les arts et les lettres une vision du monde qui s’oppose et résiste à la mauvaise information, omniprésente et souvent manipulatoire, qui touche en premier lieu l’opinion publique ?

Parmi les « Intellectuels et Artistes pour la Paix et la Souveraineté de l’Amérique latine », on trouvait le 12 avril Ignacio Ramonet (écrivain, journaliste au Monde diplomatique), François Houtard (sociologue belge, acteur important de l’Autre Forum de Davos), Pascual Serrano (écrivain et journaliste espagnol), Daniel Viglietti (chanteur et écrivain uruguayen) ou encore Abel Prieto (ministre cubain de la culture).

A l’issue de l’événement, les participants ont rédigé le manifeste politique suivant, disponible en espagnol sur le net, et que je traduis ici. Davantage encore que les prises de position à proprement parler, ce sont les événements auxquels elles font référence qui peuvent être intéressants pour nous, car nous les ignorons souvent. J’ai donc pris le parti d’annoter le texte pour le rendre plus clair.

Nous manifestons :

Notre appui inconditionnel à la République bolivarienne du Venezuela et à son peuple, quant au processus révolutionnaire que traverse ce pays et au plein exercice de son droit légitime à l’autodétermination. Nous soutenons le président Hugo Chávez Frías et les organisations populaires qui soutiennent jour après jour sa marche vers un socialisme construit avec imagination, humanisme et créativité. Au nom des peuples d’Amérique et du monde, représentés ici, nous manifestons notre solidarité avec cette Révolution bolivarienne en marche.

Nous soutenons également le gouvernement du Président Evo Morales Ayma, sa politique du changement et son projet de constitution pour la souveraineté du peuple bolivien. Nous condamnons l’intrusion du gouvernement des États-Unis dans les affaires intérieures de la Bolivie et dénonçons les actions séparatistes et discriminatoires des groupes oligarchiques de ce pays contre les peuples indigènes et l’exercice de leur indépendance. Nous nions l’État autonome de Santa Cruz, proclamé de manière unilatérale, pour son caractère anticonstitutionnel et contraire à une unité multiethnique de la nation bolivienne. (1)

Nous exprimons notre solidarité avec les positions de défense de souveraineté du gouvernement équatorien dirigé par Rafael Correa, après la violation de son territoire perpétrée par le gouvernement colombien, avec l’appui armé et logistique des Etats-Unis ; il s’agit là d’une manifestation supplémentaire de leur stratégie de domination impérialiste de notre région. Nous exprimons notre indignation face au massacre de citoyens équatoriens, colombiens et mexicains et nous opposons à tout type d’interventionnisme armé contre nos peuples.

Nous exprimons notre profonde préoccupation face à la crise que traverse la Colombie, et nous manifestons notre solidarité avec la lutte de son peuple pour l’obtention d’une véritable démocratie qui respecte les droits de l’homme ; nous espérons la réalisation d’un accord humanitaire et la recherche d’une solution politique négociée pour mettre un point final à la guerre prolongée qui a provoqué des centaines de milliers de morts, de blessés, de déplacés et de disparus.

Nous demandons à tous les gouvernements qui font partie de la Mission de Stabilisation des Nations Unies à Haïti (MINUSTAH), et en particulier à ceux d’Amérique latine, de retirer immédiatement leurs troupes de manière à participer au rétablissement de la démocratie haïtienne en respectant l’autodétermination du peuple haïtien.

Nous condamnons énergiquement les agressions réitérées du gouvernement des États-Unis contre nos peuples, sous le prétexte de la lutte contre le terrorisme et le trafic de drogue, et demandons l’extradition vers le Venezuela du terroriste Luis Posada Carriles, rendu coupable d’homicide envers 73 personnes suite à un attentat aérien. (2)

Nous exigeons la libération immédiate des cinq Cubains injustement emprisonnés sur sol états-unien pour avoir voulu combattre le terrorisme d’Etat à l’encontre du peuple cubain. (3)

Nous dénonçons le blocus injuste, cruel et illégal que les Etats-Unis maintiennent sur Cuba depuis un demi-siècle.

Nous rejetons l’adoption indirecte du « Plan-Colombie » de la part du gouvernement mexicain, la réalisation de l’initiative de Mérida dans ce pays et l’Alliance pour la prospérité et la sécurité de l’Amérique du nord, comme autant de mécanismes d’expansion de l’intervention militaire des États-Unis en Amérique latine (4). Nous considérons comme inadmissible que le gouvernement de Felipe Calderón ne condamne pas le massacre perpétré en terre équatorienne durant lequel quatre étudiants de l’Université Autonome du Mexique perdirent la vie ; ce silence participe à la criminalisation des victimes et des survivants de cet assassinat. (5)

Nous souhaitons la fin de la domination colonialiste et néo-colonialiste dans notre Amérique et exigeons l’indépendance de Puerto Rico et de toutes les colonies qui subsistent aux Caraïbes.

Nous appelons à la mobilisation pour le retrait des bases militaires étrangères dans les pays d’Amérique du Sud et des Caraïbes.

Nous refusons la manipulation écologique pour transformer notre territoire en producteur d’éco-carburants dans le but de pourvoir aux besoins énergiques des États-Unis. (6)

Nous dénonçons le pillage des connaissances ancestrales des peuples indigènes de notre Amérique et sa commercialisation par des corporations médicales capitalistes (7). Nous dénonçons également le saccage réalisé par des musées et des collectionneurs des États-Unis qui exhibent et maintiennent en leur pouvoir des centaines de milliers de témoignages de notre patrimoine historique et culturel.

Les participants de cette rencontre s’engagent à continuer, amplifier et approfondir la participation d’intellectuels et d’artistes − engagés dans la lutte des peuples de notre Amérique − à la bataille des idées ; nous saluons la richesse des expériences que nous vivons dans la construction d’un pouvoir populaire venu d’en-bas, des citoyens, des démarches autonomistes des peuples indigènes. Comme l’a justement déclaré durant cette réunion le Président Chávez, « seul le peuple pourra sauver le peuple ».

(1) La riche contrée de Santa Cruz, au nord de la Bolivie, est animée depuis plusieurs mois par des tendances séparatistes qui refusent le projet de révision de constitution et de nationalisation des richesses lancé par Morales depuis le début de son mandat présidentiel. Voir à ce propos les deux articles publiés dans ces pages le 10 avril. Suite du texte

(2) Luis Posada Carriles est un citoyen vénézuélien de nationalité cubaine qui, en 1976, perpétra un attentat à la bombe contre un avion de la flotte cubaine. Auteur de nombreux autres attentats contre des personnalités cubaines (qu’il a lui-même avoués), Carriles est le héros des exilés cubains. Il a été arrêté au Texas en 2005 pour résidence illégale sur le sol des États-Unis. Relâché en avril 2007, il a reçu une autorisation de séjour aux États-Unis, sont extradition vers le Venezuela ayant été jugée trop dangereuse… Suite du texte

(3) Depuis décembre 2001, Fernando González, Gerardo Hernández, Antonio Guerrero, Ramón Labañino et René González sont retenus dans des prisons des États-Unis pour espionnage et conspiration avec des peines allant de 15 ans de réclusion à la perpétuité. Les cinq Cubains avaient été arrêtés alors qu’ils transféraient vers les États-Unis des citoyens cubains opposants à Fidel Castro, soupçonnés de préparer un attentat. Suite du texte

(4) L’initiative de Mérida est une aide militaire de grande ampleur accordée au Mexique par les États-Unis pour lutter contre le trafic de drogue et les tentatives d’immigration clandestines vers les États-Unis. Suite du texte

(5) Lors du bombardement du campement FARC en Équateur, 4 étudiants mexicains qui réalisaient une étude sur les mouvements sociaux en Amérique latine ont été tués. Suite du texte

(6) Allusion aux vastes projets de déforestation et de culture massive de colza ou de maïs dans les pays amazoniens pour produire des carburants de substitution. Suite du texte

(7) Les grands groupes pharmaceutiques utilisent régulièrement des substances et des recettes cultivées traditionnellement par des groupes indigènes pour produire des médicaments, sans qu’aucun dédommagement ne soit versé à ces peuples.

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1 Commentaire:

  1. Anonyme a dit...
    Bonjour, C'est une vraie forteresse pour entrer !
    Je retente à nouveau. je vous remerciais de votre visite et de la qualité de vos articles. A mon tour, je mets un lien.
    Salut et fraternité