dimanche 6 avril 2008

Chronique de : Édouard Glissant, La terre magnétique. Les errances de Rapa Nui, l’île de Pâques, Paris, Seuil, « Peuples de l’eau », 2007

Comme l’Île de Pâques, qui flotterait sur une nappe d’eau douce − « mais à laquelle personne n’a accès » − et se déplacerait en permanence à la fantaisie du magnétisme, l’ouvrage d’Édouard Glissant cerne son énigmatique sujet en tournant autour, par touches successives d’informations scientifiques, d’anecdotes populaires, ou de récits mythiques.

Inutile, donc, de chercher ici une étude systématique et chronologique qui permettrait de cartographier l’Île de Pâques. Il s’agit précisément du contraire : montrer que certains lieux n’existent que par leur mystère, leur fragile étrangeté, sans cesse menacée par la curiosité rationnelle du monde occidental. Tout au plus esquisse-t-on ici les contours de ce mystère : une île en forme de bateau, sur laquelle on conçoit les maisons comme des bateaux retournés et qui, jusqu’à une époque récente, n’était accessible que par bateau. Une île qui flotte. Et sur laquelle de massifs corps de pierre artificiellement redressés par des archéologues forment une sorte de barrière opaque à la compréhension de cette terre perdue au milieu du Pacifique. Une île irréelle, vouée à la disparition et sur laquelle, pourtant, vivent quelques habitants fiers de leur origine et en mal d’ailleurs.

Édouard Glissant raconte Rapa Nui, l’Île de Pâques, comme on écrirait un poème. La terre semble émerger des mots, ne vivre que grâce à la magie de ces 120 pages étonnantes qui reviennent aux sources du mythe en le survolant. En émerge une voix qui confond les récits des habitants et les réflexions de l’ethnologue en un même chant venu d’on ne sait où − quelque part entre mer, lave et vent.

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