mercredi 17 septembre 2008

Il pleut des cordes. Les rivières s'improvisent de nouveaux cours, charrient de la montagne des eaux rougeâtres qui forment des lacs étranges et lugubres, les boeufs et les chevaux en ont jusqu'au ventre, les routes ne sont, par endroit, plus visibles et les rues des villes sont tranformées en canalisations ouvertes. C'est un gros orage comme il y en a tant par ici. Demain, les Cubaines pousseront l'eau hors de leur maison avec des balais et tout recommencera jusqu'à la prochaine fois. Rien de dramatique, somme toute, mais pour nos yeux d'Européens qui s'émeuvent chaque fois qu'il y a cinq centimètres d'eau dans une cave, la "normalité" de cette météo tout en excès (35 degrés à l'ombre la journée, 80% d'humidité, nos fruits et légumes d'été qui ne poussent qu'en hiver, etc.) est bien troublante.

Nous avons traversé aujourd'hui le pays du sud au nord, de Trinidad à Remedios en passant par Sancti Spiritus et Placetas. Si plusieurs pays d'Amérique latine offrent des villes assez invariablement identiques, Cuba a cette spécificité des paysages urbains variés, chaque ville ayant son histoire propre, parfois son architecture typique. On n'y restera pas nécessairement plus d'une journée ou deux, mais à en visiter quelques-unes, comme ça, successivement, on n'a pas l'impression de s'être déplacé et arrêté pour rien.
Sancti Spiritus, capitale de Province, est une ville par bien des aspects aussi charmante que Trinidad, mais négligée du tourisme (et s'en foutant d'ailleurs royalement!). Les bâtiments sont ici aussi tout en couleur, mais plus cossus. Il y a plusieurs beaux marchés dans lesquels on ne voit que des Cubains, la vie s'exprime en monnaie nationale, pas de rabatteurs, pas de propositions louches, bref, un très bon moment. On y trouve également deux des plus vieilles églises du pays, mais celles-ci sont fermées, malheureusement. Reste donc à se balader, à observer les scènes de vie quotidienne, une (vraie) fabrique de cigares, des enfants dans une école, un hôpital, le tout apparaissant qu'on le veuille ou non, à travers les fenêtres sans vitres et à hauteur de visage qu'on longe en se promenant dans les rues.
Placetas, c'est le far-west. De grandes avenues bordées d'anciennes constructions en bois, le camion (soviétique) et le cheval comme seuls moyens de transport, des hommes tous coiffés d'un chapeau, des orchestres de cuivres qui répètent un mélange de jazz, de classique et de musique populaire cubaine autour de la place centrale... on pourrait y tourner un film sans rien changer au décor.
Et Remedios, c'est un vieux village au milieu duquel trone une magnifique église du XVIIIe siècle (fermée elle aussi), où les enfants courent pieds nus dans des rues en terre battue et où chaque coté de la place centrale est animé par un restaurant où l'on paie de préférence, ici encore, en monnaie nationale.
Des villes où on touche de plus près à la vie quotidienne cubaine, à l'artisanat directement utile à la population (fabrication de chaussures, de ceintures, vente d'outils usagés de tout genre, bricolage de vélos, de tracteurs, retapage de meubles, etc.).
Dans toutes les maisons, même les plus modestes (toujours ouvertes sur la rue), on voit des vieux meubles magnifiques, des tableaux aux cadres hors d'âge, des portraits de famille, tous objets qui, en Europe ou dans d'autres pays d'Amérique latine, auraient été éliminés au profit d'un meuble à monter soi-même ou d'un gadget électrique, plus pratique, plus compact... Les appartements cubains sont de vrais musées, toujours impeccables, confortables, où on ne peut pas ne pas s'asseoir, même lorsqu'il s'agit d'attendre 20 secondes.
A la campagne, les Cubains ne se plaignent pas. La vie est en fait moins difficile qu'à la Havane, puisqu'en plus des tiquets d'alimentation, chacun peut facilement se procurer des fruits, de la viande, du pain, etc. Invariablement, on entend des phrases comme: "De quoi devrait-on se plaindre? Nous sommes grands, gros, forts, et travaillons moins qu'en ville". Le chauffeur de taxi qui nous a emmenés aujourd'hui a profité de chaque halte pour remplir son coffre d'articles difficiles à trouver à Trinidad: oranges (qui, ici, ressemblent à des citrons verts), lard et viande fumée, textiles et savons artisanaux à des prix raisonnables, etc.
Une autre facette de cette île multicolore, multiculturelle, multi-tout, qu'il faut prendre le temps de découvrir hors des sentiers battus.

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