samedi 27 décembre 2008

La scène se passe le 3 juin 1992, pendant la Conférence sur l'environnement et le développement organisée par l'ONU à Rio de Janeiro: Severn Suzuki, 13 ans, prend la parole au nom des enfants pour sensibiliser les politiciens sur le devenir de la planète. Le texte en français se trouve sous la vidéo.

Je ne vous cache pas qu'en traduisant ce discours, je me suis demandée à plusieurs reprises s'il ne s'agissait pas d'une manipulation. Cette enfant a-t-elle vraiment pensé et écrit ces phrases, ou est-elle envoyée par des adultes qui tirent les ficelles? Les clichés et les énoncés mélodramatiques abondent. La rencontre entre la jeune fille et un petit Brésilien des favelas, notamment, sonne assez faux. Quelle différence, en fin de compte, avec les discours bien intentionnés des grands politiciens? On écoute, on s'émeut, on applaudit et au final, rien ne change...

Seulement nous sommes en 1992, il y a seize ans. Ce qui nous apparaît aujourd'hui comme une suite de banalités était entendu par certains pour la première fois. Et puis, que son discours ait été écrit ou non par des tiers, cette gamine était bien là. Elle l'a lu, elle a tenu, il fallait le faire.

Prenons-la donc au mot, cette petite Severn Suzuki, et rêvons que cela fut, un jour, possible.




Bonjour,
Je m'appelle Severn Suzuki et je parle pour ECO (Environmental Children's Organisation), l'Organisation des Enfants pour l'Environnement.
Nous sommes un groupe d'enfants de 12 et 13 ans, au Canada, qui essayons de faire changer les choses: Vanessa Suttie, Morgan Geisler, Michelle Quigg et moi.
Nous nous sommes procurés l'argent pour venir ici, à cinq mille miles de chez nous, pour vous dire, à vous adultes, que vous devez changer votre manière d'agir.
En venant ici, aujourd'hui, je n'ai pas d'objectif caché. Je viens lutter pour mon futur.
Perdre mon futur est bien plus grave que perdre une élection ou quelques points sur le marché boursier. Je suis ici pour parler au nom de toutes les générations à venir.
Je suis ici pour parler en défense des enfants affamés dans le monde dont on entend toujours les pleurs. Je suis ici pour parler des innombrables animaux qui meurent sur cette planète parce qu'il ne leur reste aucun endroit où aller.
Nous ne pouvons supporter de ne pas être entendus.
J'ai peu de prendre le soleil à cause des trous dans la couche d'ozone.
J'ai peur de respirer cet air parce que je ne sais quelles substances chimiques il contient.
J'aimais aller pêcher à Vancouver, chez moi, avec mon père, jusqu'à ce que nous tombions, il y a quelques années, sur un poisson plein de tumeurs.
Et nous apprenons aujourd'hui que les animaux et les plantes s'éteignent chaque jour, disparaissent pour toujours.
J'ai rêvé, au cours de ma vie, de voir de grands troupeaux d'animaux saauvages, les jungles et les bois pleins d'oiseaux et de papillons, mais je me demande à présent si tout cela existera encore pour que mes enfants puissent les voir.
Deviez-vous penser à cela quand vous étiez enfants?
Tout cela se passe sous nos yeux et nous continuons d'agir comme si nous avions tout le temps nécessaire à diposition, et comme s'il y avait une solution.
Je ne suis qu'une enfant, et je n'ai pas la solution. Mais rendez-vous compte que vous non plus n'en avez aucune.
Vous ne savez pas comment réparer les trous de la couche d'ozone.
Vous ne savez pas comment rendre aux saumons des eaux propres.
Vous ne savez pas comment ressusciter un animal disparu.
Et vous ne pourrez jamais recréer des forêts là où, à présent, il n'y a que le désert.
Si vous ne savez pas comment réparer les choses, je vous en supplie, cessez de les détruire.
Il doit y avoir, ici, des délégués gouvernementaux, des hommes d'affaire, des organisateurs, des reporters ou des politiciens, mais vous êtes en fait des mères et des pères, des frères et des soeurs, des oncles et des tantes, et vous êtes tous le fils ou la fille de quelqu'un.
Je ne suis qu'une enfant, mais je sais que chacun de nous est le membre d'une famille de cinq billions d'individus, de trente millions d'espèces, et que nous partageons tous le même air, l'eau et la terre.
Les frontières et les gouvernements n'y changeront rien.
Je ne suis qu'une enfant, et je sais que nous sommes tous ensemble dans cette situation et devons agir comme un seul monde avec un seul objectif.
Malgré ma colère, je ne suis pas aveugle; malgré ma peur, je ne suis pas effrayée de dire au monde ce que je sens.
Dans mon pays, nous gaspillons sans cesse... Nous achetons et jetons, achetons et jetons, et ainsi de suite. Les pays du nord ne partagent rien avec les nécessiteux.
Même en possédant bien plus que le nécessaire, nous craignons de perdre une part de nos biens, nous craignons de partager.
Au Canada, nous vivons une vie privilégiée, sûre, avec de la nourriture et de l'eau en suffisance. Nous avons des montres, des vélos, des ordinateurs, des télés.
Il y a deux jours, ici, au Brésil, nous avons été surpris en passant un moment avec des enfants qui vivent dans les rues. L'un d'eux nous a dit: "Je voudrais être riche, et si je l'étais, je donnerais à tous les enfants de la rue de la nourriture, des vêtements, des habits, des médicaments, un foyer et de l'amour."
Si un enfant de la rue qui n'a rien désire partager, pourquoi nous autres, qui avons tout, sommes-nous si égoïstes?
Je ne peux cesser de penser que ces enfants en mon âge, que le lieu où l'on naît crée des différences immenses, que je pourrais être l'un de ces enfants des favelas de Rio. Que je pourrais être un enfant mourant de faim en Somalie, une victime de la guerre au Moyen Orient ou un mendiant en Inde.
Je ne suis qu'une enfant et je sais que si tout l'argent gaspillé dans les guerres était utilisé pour mettre fin à la pauvreté et chercher des solutions environnementales, la terre serait un endroit merveilleux.
A l'école, même au jardin d'enfants, on nous apprend à nous comporter correctement. A éviter de nous battre, à résoudre nos problèmes, à nous respecter, à assumer nos actes, à respecter l'intégriter des autres êtres, à partager.
Pourquoi vous autres, qui nous apprenez cela, faites exactement le contraire?
N'oubliez pas que si vous assistez à cette conférence, c'est parce que nous sommes vos enfants.
Vous êtes en train de décider dans quel monde nous grandirons.
Les parents devraient pouvoir rassurer les enfants en leur disant: "tout ira bien", "ce n'est pas la fin du monde", "nous faisons le mieux que nous pouvons".
Mais je crois que vous ne pouvez pas nous dire cela.
Sommes-nous même dans vos listes de priorités?
Mon père dit toujours: "Tu es ce que tu fais, et non ce que tu dis".
Et bien, ce que vous faites me fait pleurer la nuit.
Vous, adultes, dites que vous nous aimez.
Je vous mets au défi: essayez de faire en sorte que vous actes reflètent vos mots.
Merci.


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