mardi 19 février 2008

Chronique de : Ernesto Sábato, L’Ange des ténèbres (1974/1985/1992), Paris, Le Seuil, « Points », 1996.

L’Ange des ténèbres est un roman autobiographique. On pourrait presque parler de testament, tant Sábato s’est plu à faire de cette troisième œuvre romanesque, qu’il voulait dernière, le recueil de tous ses fantasmes, pensées philosophiques, rêveries, cauchemars, ceux de ses personnages également, et ceux de son rôle majeur : celui d’autorité littéraire et intellectuelle.

Il faut donc, pour comprendre L’Ange des ténèbres, connaître les ouvrages précédents : Le Tunnel (1948) et Héros et Tombes (1961), puisque l’un des projets principaux du dernier roman est de chercher à comprendre quels liens l’auteur entretient avec sa création, avec les êtres de papier au travers desquels les lecteurs croient lire sa vision du monde, source de confusion et de malentendu s’il en est. Pourquoi écrire ? et qui est celui qui écrit ? Éternelles questions auxquelles l’écrivain argentin se confronte sur fond de dictature, de surveillance politique, de tortures et autres infamies qui fond du roman le miroir d’une humanité en laquelle il ne semble plus possible d’espérer. D’où le titre et le fil conducteur allégorique de l’apocalypse. Le monde se défait et chute, la littérature perd toute signification sinon lorsqu’elle tente de se dire elle-même.

Tout cela est bien obscur, dans tous les sens du terme. Si on ne peut nier la beauté éblouissante de certains passages (sur le sens de l’art, sur la Révolution, ou, tout simplement, lorsque quelque personnage « contemple » le monde, à défaut de pouvoir le comprendre), les longs dialogues sur l’occultisme, les digressions mystiques, l’introspection paranoïaque permanente de l’auteur et la construction pour le moins torturée de l’ensemble sont rébarbatifs. Mieux vaut, pour aborder Sábato, commencer par Le Tunnel. On y cherchera en vain une lueur d’espoir, mais le fil narratif paraîtra infiniment plus clair…

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