lundi 10 mars 2008

1. Introduction : deux données spécifiques de l’histoire politique colombienne

L’origine d’une bonne part des problèmes qui minent la Colombie depuis les années ’50 est à rechercher dans deux éléments propres à son fonctionnement politique tel qu’il s’est imposé au milieu du XIXe siècle. D’abord, comme de nombreux pays d’Amérique latine, la Colombie est très fortement influencée par la pensée politique des États-Unis et de l’Europe, double modèle souvent inadapté aux problèmes spécifiques de cette région du monde extrêmement riche en matières premières et composée par ailleurs de populations aux origines très diverses, ce qui conduit à des problèmes sociaux non seulement liés à l’existence de « classes » sociales, mais également à la cohabitation d’ethnies qui, depuis 1500, entretiennent des rapports conflictuels de domination et de soumission. L’influence des modèles politiques étrangers a conduit à un dysfonctionnement majeur de la Colombie, sur le plan politique, depuis 1848 : marqués par les événements révolutionnaires et républicains en Europe, les Colombiens vont fonder deux grands partis en 1848 et 1849 : le parti libéral, ouvert au commerce avec l’Europe, à l’abolition de l’esclavage ou à la liberté de culte, et le parti conservateur, formé par les oligarques qui, jusqu’alors avaient monopolisé le pouvoir à travers l’influence de quelques grandes familles. Depuis lors, aucun autre parti, à part les communistes dans les années ’30, n’a pu imposer de modèle de pensée alternatif à long terme. Les conservateurs et libéraux ont dirigé le pays de 1848 à nos jours, s’opposant parfois dans des guerres civiles extrêmement violentes, ou s’alliant au contraire pour paralyser toute forme de pensée politique alternative et garantir une stabilité toute artificielle.

Ce bipartisme pose de sérieuses difficultés d’identification politique pour bon nombre de Colombiens, puisqu’en 150 ans, les orientations d’un même parti peuvent varier de manière radicale – problème que nous connaissons également en Europe. Le parti libéral colombien, notamment, rend extrêmement complexe la définition d’une pensée politique « de gauche » en Colombie. S’il s’agissait bien, à ses origines, d’un parti formé par des représentants de la petite et de la moyenne bourgeoisie ouverte aux changements, l’un de ses grands chevaux de bataille a toujours été, depuis sa fondation, le libre échange économique et le développement d’un capitalisme qui permettait, certes, de faire cesser l’impérialisme de quelques oligarques, mais supposait également des accords avec de grandes puissances étrangères qui, le plus souvent, se feraient au détriment du peuple colombien. Dans la suite de son histoire, le parti libéral s’est identifié tantôt aux mouvements socialistes européens du début du XXe siècle, tantôt à la pensée des démocrates américains… de quoi faire perdre le nord à certains militants et ce d’autant plus que toutes les tentatives de formation de partis sur l’aile gauche des libéraux ont toujours abouti à la phagocytose des premiers par le géant libéral.

Le bipartisme exclusif est sans doute à la source de bon nombre de conflits qui, depuis 1848, paralysent l’évolution du pays et ce d’autant que les gouvernants colombiens, lorsqu’ils quittent la présidence ou les hautes responsabilités de l’État, intègrent des structures telles que le « Club des ex-présidents » ou le « Club des ex-mandataires », chargés de conseiller les nouveaux représentants. Difficile, dans ces circonstances, de concevoir un renouvellement politique susceptible de mettre fin au règne de quelques clans oligarchiques…

Autant de raisons qui permettent déjà de comprendre pourquoi la Colombie se trouve aujourd’hui à un tel degré de paralysie politique.

2. 1900-1946 : capitalisation de la Colombie

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