lundi 10 mars 2008

4. Autour du marché de la drogue (1974-1990) : FARC, cartels, paramilitaires…

En 1974, les libéraux gagnent les premières véritables élections organisées depuis 1959. Jusqu’en 1978, leur seule préoccupation sera de garantir leur réélection à la législature suivante, en maintenant le pays dans un fragile équilibre alors que l’inflation ne cesse d’augmenter, et que les indices de pauvreté et de chômage n’ont jamais été aussi hauts.

La Colombie connaît alors un phénomène inhabituel : l’exode des populations urbaines sans revenus et des paysans sans terre vers les zones les plus périphériques où les FARC sont en train de mettre en œuvre leur réforme agraire. En échange d’un terrain à cultiver, de maisons en dur, de cours d’alphabétisation, et de structures sociales, les nouveaux paysans versent au FARC un impôt de 10% du revenu de leur production. L’arrivée massive de nouveaux citoyens dans ces zones contrôlées par les FARC permettent à ces derniers de s’assimiler de nouvelles forces humaines et d’augmenter significativement leurs revenus. A la fin des années ’70, au moment où la Colombie devient le principal fournisseur de cocaïne des États-Unis, les FARC décident de tirer parti de ce marché prometteur qui garantit aux paysans − et par conséquent à leurs protecteurs − un revenu décent et leur permet de maîtriser davantage de territoires.

La relation des FARC et des cartels de la drogue est d’abord plutôt pacifique. Les premiers agissent au niveau de la production, les seconds tirent profit de la transformation et de la distribution de la cocaïne. Rapidement, toutefois, les narco-traficants deviennent les ennemis jurés des FARC : les bénéfices du trafic de la cocaïne assurent aux barons de la drogue d’énormes revenus, qu’ils engagent le plus souvent dans l’achat de terrains. Ils y installent des exploitations d’élevage industriel, ou les revendent à des multinationales, devenant donc les promoteurs du système contre lequel s’élèvent depuis toujours les groupes révolutionnaires. La stratégie des FARC est alors simple : en enlevant de hauts représentants du milieu de la drogue et leurs familles − eux-mêmes souvent liés à de grandes personnalités politiques ou industrielles − et en récupérant d’importantes rançons, ils trouvent une nouvelle source de revenu et augmentent encore leur puissance militaire, ainsi que leur pression sur l’État colombien. Tout cela (occupation de territoires, culture de la coca, enlèvements) visant avant tout à obtenir de la part de l’État une zone indépendante pour mettre en œuvre leur réforme agraire.

La réponse à cette nouvelle méthode est double : les cartels de la drogue mettent en place des groupes paramilitaires souvent proches des forces armées officielles pour éliminer les guérilleros et faire pression sur les populations rurales qui seraient tentées de les rejoindre ou de cultiver de la coca sous leur contrôle. L’État colombien engage par ailleurs l’armée dans la lutte contre les FARC, tout en proposant à plusieurs reprises des négociations. C’est ainsi qu’en 1985, Belisario Bétancourt obtient des FARC un cessez-le-feu en acceptant la formation de l’Union Patriotique (UP), aile politique légale du mouvement, qui doit discuter avec l’État de solutions aux problèmes des populations agraires. La rupture des négociations de la part du successeur de Bétancourt, puis l’élimination systématique par les paramilitaires ou par les forces de police officielles, de membres de l’UP, conduisirent les FARC à reprendre dès 1986 leur activité et à étendre les enlèvements à des hauts représentants de l’État ou de la justice.

A la fin des années ’80, la situation est catastrophique : les paramilitaires sont hors de tout contrôle. Les quelques magistrats qui avaient fait ouvrir des enquêtes sur les identités de ceux-ci, et avaient révélé leur connivence avec l’armée et la police, furent assassinés ou menacés à tel point qu’ils durent quitter le pays. Les principale actions des paramilitaires, outre les problèmes directement liés au trafic de la drogue (dettes, règlements de compte entre clans, etc.), visent les populations civiles des campagnes, torturées et assassinées lorsqu’elles sont soupçonnées d’entrer en relation avec les FARC. Ces méthodes servent également à intimider les autres, ceux qui ne prennent parti pour personne et se voient donc obligés de cultiver sous le contrôle des paramilitaires. Ces derniers, par ailleurs, procèdent également à de nombreux assassinats de hauts fonctionnaires, maintenant ainsi la pression sur les institutions ou l’État, qui les laissent agir en toute impunité. Les FARC, de leur côté, ne restent pas sans réagir et se défendent, ou continuent simplement leurs procédures habituelles pour obtenir une réponse politique au problème de l’agriculture. Résultat, on décompte, dans les années 1980, la bagatelle de 12'859 assassinats politiques…

5. La lutte contre la drogue : FARC contre États-unis (1990-2008)

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