lundi 10 mars 2008

5. La lutte contre la drogue et contre les FARC : les intérêts des Etats-Unis (1990-2008)

Durant les années 1990-2000, les administrations Bush, puis Clinton, puis Bush-fils vont intervenir très clairement dans la politique intérieure colombienne en injectant d’importants fonds d’aide à la lutte contre la drogue. Le Pérou et la Bolivie sont également concernés. L’aide financière prévoit une destruction systématique des cultures de coca (le plus souvent par avion et par l’utilisation de puissants désherbants) et, pour ce qui est de la Colombie et du Pérou, une aide importante à la formation de militaires pour l’éradication des guérillas marxistes.

Les États-Unis souhaitent-ils ainsi mettre fin à l’immense marché de cocaïne provenant d’Amérique du Sud qui sévit sur leur territoire ? Peut-être. Mais comme toujours lors d’interventions à l’étranger, il s’agit surtout de reprendre le contrôle de zones stratégiques dans la production de matières premières (gaz, cuivre, et surtout pétrole pour la Colombie) face aux attaques toujours plus virulentes des guérillas. Entre 1986 et 2000, les FARC et l’ELN ont en effet organisé plus de 700 attentats contre les zones pétrolières sous contrôle américain en Colombie. Depuis 2001, les premiers motifs des États-Unis se doublent du projet de lutte internationale contre le terrorisme, suite aux attentats du 11 septembre. Comme Cuba, la Chine, ou la Corée du nord, les FARC de Colombie, qui représentent tout de même 25'000 hommes bénéficiant de matériel militaire extrêmement performant, font partie d’un « axe du mal » à neutraliser absolument.

Il faut pourtant souligner les efforts de l’État colombien, à plusieurs reprises, pour tenter de résoudre le conflit par le biais de négociations ou de nouvelles lois. En 1998, Andres Pastrana accède à la principale revendication des FARC en leur cédant un vaste espace de la superficie de la Suisse dans les montagnes du Sud-Ouest. Les FARC y établissent alors leur base mais force est de constater que la situation ne s’améliore en rien. Les exactions des paramilitaires reprennent de plus belle − pendant la période des pourparlers, 136 civils sont abattus en 4 jours −, les FARC ripostent par nombre d’enlèvements − tout en libérant 300 anciens otages suite à plusieurs cycles de négociation avec Bogotá − et la réforme agraire, dans ce climat de guerre permanente, n’est jamais mis en place. Seule la coca permet en effet d’assurer un revenu convenable à la fois aux cultivateurs et aux FARC.

L’État colombien, suite aux nombreux massacres de magistrat qui frappent la fin des années ’80, a également tenté d’endiguer le phénomène paramilitaire : en janvier 1990, il avait voté un décret interdisant toute formation de groupes d’autodéfense, quel qu’il soit, de la part de civiles. Or le plan américain de lutte contre la drogue qui commence en mars de la même année, prévoit que dans toute la Colombie, des « cellules de renseignement » militarisées soient formées pour informer régulièrement l’armée de l’activité des producteurs de coca et des FARC. Les actions des paramilitaires peuvent donc reprendre de plus belle sous le couvert du plan américain. Les massacres de civiles ne cessent d’augmenter, le jeu de chantage réciproque entre FARC et paramilitaire se fait de plus en plus violent avec, comme premières victimes, les populations civiles, souvent contraintes à se déplacer massivement pour échapper aux pressions des uns et des autres. Les paramilitaires inaugurent par ailleurs une nouvelle forme d’action : pour s’attirer la sympathie des habitants des villes, qui vivent en permanence dans l’insécurité liée au banditisme et dans la crainte des attentats ou des enlèvements, ils s’érigent en défenseurs d’un ordre social qui, outre les potentiels guérilleros, se doit d’éliminer les petits criminels, les prostituées, les homosexuels, les enfants des rues et les mendiants. Les villes de Colombie, Bogotá et Medellín notamment, deviennent ainsi le théâtre d’un abominable nettoyage dont le but principal est toujours l’intimidation et le respect de la loi du silence.

Dans toute l’histoire, chacun défend ses intérêts : les États-Unis favorisent l’émergence des groupes paramilitaires pour lutter contre les FARC ; les milices en profitent pour agir en toute impunité et rester les maîtres du marché de la drogue (toujours pas éradiquée…) dans les villes comme dans les zones rurales ; lorsque l’un ou l’autre président colombien engage des tractations avec les FARC, le premier souci des paramilitaires est de boycotter celles-ci par quelque attentat en général attribué à la guérilla, car un accord stable sur les territoires actuellement dominés par les FARC conduirait à une éradication de la coca dans ces zones, et au passage à des cultures légales ; c’est pour cette même raison que les États-Unis ne conçoivent la suppression des cultures de coca que par le biais de désherbants qui rendraient stériles pour longtemps les zones touchées : il faut à tout prix empêcher les FARC de recréer une économie agricole, quelle qu’elle soit, et de se gagner la sympathie des agriculteurs. Quant aux FARC, ils n’ont aucune raison de déposer les armes ou de ralentir leurs activités de guérillas, puisqu’ils n’ont jamais été aussi puissants et écoutés sur le plan international, que depuis qu’ils se sont spécialisés dans l’enlèvement politique…

6. Y a-t-il une solution?

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