jeudi 28 août 2008

Je vous parlais, il y a quelque temps, des petits soucis d'Alvaro Uribe avec ses proches paramilitaires et narco-traficants (article ici). Il semblerait que la Cour suprême de Colombie s'en mêle, si l'en en croit l'article du Courrier paru hier, mercredi 27 août.

La Cour suprême de Colombie accuse Alvaro Uribe de "complot"

«PARAPOLITIQUE» - Gouvernement et paramilitaires auraient constitué un dossier contre des juges trop curieux. La Cour pénale internationale interpellée.

- Benito Perez -

Cette fois, ce n'est pas un obscur militant de gauche qui accuse le gouvernement colombien de manipulations. Lundi, le président de la Cour suprême de justice (CSJ), Francisco Ricaurte, a annoncé que la haute instance judiciaire allait saisir ni plus ni moins que la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye. En cause: une réunion au Palais présidentiel en avril dernier entre deux conseillers d'Alvaro Uribe et les représentants du chef paramilitaire Diego Murillo, alias «Don Berna». Révélée la semaine dernière par Semana, cette rencontre aurait servi à monter un dossier visant à décrédibiliser les juges chargés du scandale de la «parapolitique». «Il y a un complot d'un secteur du gouvernement colombien en alliance avec les paramilitaires pour discréditer la Cour suprême de justice», a affirmé lundi devant la presse Francisco Ricaurte, président de la Haute Cour colombienne. Les juges de la CSJ, a-t-il averti, entendent faire part de cette accusation au procureur de la CPI, l'Argentin Luis Moreno Ocampo, actuellement en visite en Colombie.

Ce coup de tonnerre polico-judiciaire intervient après plusieurs mois de conflit entre les deux pouvoirs. Le président Alvaro Uribe accuse en effet les juges de ne s'intéresser qu'aux liens entre ses amis politiques et les Autodéfenses unies de Colombie (AUC), au détriment, selon lui, des collusions entre la gauche et les guérillas.

En deux ans de scandale dit de la «parapolitique», une soixantaine d'élus de la majorité ont été placés sous enquête judiciaire pour avoir collaboré avec ces milices d'extrême droite accusées de dizaines de milliers de crimes de sang et de narcotrafic. Une trentaine d'alliés du président dorment actuellement en prison, dont son propre cousin Mario Uribe.


Eviter l'extradition

C'est l'hebdomadaire Semana, déjà à l'origine de nombreuses révélations explosives, qui a rallumé la mèche, la semaine dernière, en publiant des enregistrements qui démontreraient le «plan machiavélique» des «hommes de confiance» de Diego Murillo pour impliquer la Cour suprême de justice dans l'achat d'informations douteuses auprès de «paras».

Selon Semana, le chef paramilitaire a décidé de proposer ce dossier compromettant sur la CSJ au gouvernement, après la signature par le président de l'acte d'extradition de Carlos Mario Jiménez, alias «Macaco», vers les Etats-Unis, en avril dernier. Pour Don Berna, c'est une tentative désespérée pour s'éviter le prochain wagon de narcotrafiquants à destination des prisons étasuniennes.
A première vue, le marchandage paraît avoir échoué. En mai, Diego Murillo et douze autres chefs «paras» sont expédiés vers les Etats-Unis. Mais l'échec du deal n'éclaircit pas tout. Admettant la réunion mais niant toute négociation, le pouvoir laisse dans l'ombre le but réel de ce contact à très haut niveau, et ce en plein conflit institutionnel.

Fidèle à son habitude, Alvaro Uribe s'est défendu en contre-attaquant: «Il nous fallait écouter [les émissaires de Don Berna], car on sait qu'il y a ici un trafic de témoins.» Mais le malaise demeure entier: que le dossier remis aux fonctionnaires contienne des documents compromettants pour le CSJ ou un simple montage malhonnête, le dossier n'a jamais été transmis à un juge instructeur...


La Haye entre en scène

Pour le président colombien, l'affaire est d'autant plus embarrassante qu'elle coïncide avec la visite du procureur de la Cour pénale internationale, Luis Moreno Ocampo, venu justement examiner l'affaire des extraditions de paramilitaires. Dans un courrier officiel daté de juin mais révélé il y a dix jours, la Cour sise à La Haye s'était inquiétée auprès de l'ambassadeur colombien du fait que des personnes accusées de massacre soient extradées pour leurs seules activités narcotiques. «Comment sera assuré le jugement des principaux responsables de crimes, qui pourraient relever de la compétence de la CPI?» interroge M. Moreno Ocampo.

A son arrivée lundi à Bogota, le procureur a précisé ses menaces. Si la CPI n'obtient pas des garanties de la justice colombienne, elle lancera ses propres poursuites pénales contre les groupes armés et leurs complices politiques...

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