mercredi 4 mars 2009

Silvio Rodriguez est un chanteur-compositeur cubain, représentant majeur de ce qu'on appelle la "Nueva trova" - nouvelle chanson. 21 albums originaux pour 40 ans de carrière, 200 chansons "inédites" qui circulent sur le web et un succès impressionnant aussi bien en Amérique latine qu'en Espagne à chaque nouveau concert: Silvio a su conquérir son public grâce, notamment, à deux ingrédients essentiels qui prouvent qu'on peut être un chanteur populaire tout en affichant certaines exigences: des textes d'une immense qualité poétique, parfois engagés, mais le plus souvent dédiés à une description originale et onirique des choses simples; et un accompagnement de guitare conçu comme une partition à part entière, incroyablement difficile parfois, jouant sur des sonorités issues aussi bien de la tradition cubaine que du folk, du jazz ou du classique.
Faire un choix dans cette production aussi variée qu'abondante (plus de 600 chansons dans ma petite discothèque personnelle) s'avère difficile. En voici deux: "Tu sonrisa ha cambiado", (1971) éditée en 1999 dans l'album Mariposas, en collaboration avec le guitariste Rey Guerra, et "Historia de la sillas", de Causas y hazares (1985). Les traductions se trouvent sous le texte original.


"Tu sonrisa ha cambiado"
El polvo y el tiempo acumulados
sobre tu esperanza se olvidaron de ser.
Se han ido fugando de tus ojos,
dándole sitio a luces propias de una mujer.

Por eso tu sonrisa ha cambiado
algo en este invierno, que ya no pasará
sin luz —como todos los inviernos—
tenaz —como todos los inviernos—
feroz —como todos los inviernos—
estás desafiando a la ciudad,
a aquella señora que hace bien el café,
al manso marido que despierta a las seis
y al tonto reloj del rey.

No sabes cuánto de subversivo
vive en una sonrisa que no quiere comprar
y cuánto de muerte hacia el pasado
que se incrusta en los dedos,
cual resto de humedad.

La historia choca contra tu saya
y se hace remolinos que huyen del amor,
como se dice que huyen los demonios
de las estancias crueles para el odio.

Bendita está tu risa.
Amén.

"Ton sourire a changé"

La poussière et le temps accumulés
sur ton espoir, ont oublié d'être.
Ils se sont évadés de tes yeux,
donnant naissance à des lumières propres à une femme.

Ainsi, ton sourire a changé
quelque chose en cet hiver, qui ne passera pas
sans lumière — comme tous les hivers —
tenace — comme tous les hivers —
féroce — comme tous les hivers —
tu défies la ville,
cette femme qui fait si bien le café,
le docile époux qui se réveille à six heures
et l'idiote horloge du roi.

Tu ne sais pas combien de subversion
vit dans un sourire qui ne veut pas acheter
et combien de mort venue du passé
qui s'inscruste dans les doigts,
comme un reste d'humidité.

L'histoire frappe contre ta saya
et se fait tourbillons fuyant l'amour,

comme on dit que les démons fuient
les espaces cruels pour la haine.

Béni est ton rire.
Amen.


"Historia de las sillas"

En el borde del camino hay una silla,
la rapiña merodea aquel lugar.
La casaca del amigo esta tendida,
el amigo no se sienta a descansar.
Sus zapatos, de gastados, son espejos
que le queman la garganta con el sol.
Y a través de su cansancio pasa un viejo
que le seca con la sombra el sudor.

En la punta del amor viaja el amigo,
en la punta más aguda que hay que ver.
Esa punta que lo mismo cava en tierra
que en las ruinas, que en un rastro de mujer.
Es por eso que es soldado y es amante,
es por eso que es madera y es metal.
Es por eso que lo mismo siembra rosas
que razones de banderas y arsenal.

El que tenga una canción tendrá tormenta,
el que tenga compañía, soledad.
El que siga un buen camino tendrá sillas
peligrosas que lo inviten a parar.
Pero vale la canción buena tormenta
y la compañía vale soledad.
Siempre vale la agonía de la prisa,
aunque se llene de sillas la verdad.



"Histoire des chaises"

Au bord du chemin, il y a une chaise,
la rapine maraude ce lieu.
La casaque de l'ami est étendue,
l'ami ne s'assied pas pour se reposer.
Ses chaussures, tellement abîmées, sont des reflets
qui lui brûlent la gorge avec le soleil.
Et à travers sa fatigue passe un vieux
qui sèche, avec son ombre, sa sueur.

A la pointe de l'amour, l'ami voyage,
A la pointe la plus pointue que l'on puisse imaginer.
Cette même pointe qu'il enfonce en terre,
dans les ruines, dans une trace de femme.
C'est pour cela qu'il est soldat et amant,
c'est pour cela qu'il est bois et métal.
C'est pour cela qu'il ressemble à des roses,
qu'il est la raison des drapeaux et l'arsenal.

Celui qui aura une chanson aura une tempête,
celui qui aura de la compagnie sera seul.
Celui qui suivra un bon chemin aura des chaises
dangereuses qui l'invitent à s'arrêter.
Mais la chanson vaut bien un bel orage
et la compagnie vaut la solitude.
L'agonie de la hâte vaut toujours la peine,
même si la vérité doit se remplir de chaises.



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