dimanche 28 décembre 2008
C'était le moment, quelques jours avant la fin définitive de 2008: j'ai mis en ligne mes photos de Cuba. Vous pouvez les voir en cliquant ici.
Cartographie: Carnets de route, Cuba par mots et par vents
mardi 7 octobre 2008
(Pour écouter l'enregistrement et visualiser les images qui accompagnent ce message, rendez-vous sur le site de 8 Méridiens ∞ Parallèles 8)
Les voici enfin, les premières images de Cuba ("premières", ou presque, sur ce blog, mais parmi les dernières prises).
Quelques regards saisis dans une classe de deuxième année primaire, à l'école Eduardo Garcia de Trinidad, pendant une leçon d'espagnol consacrée à "La Grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le boeuf".
Merci de respecter les droits d'auteur de ces images.
Cartographie: Carnets de route, Cuba par mots et par vents, Images (fixes et mouvantes)
vendredi 19 septembre 2008
La vie à Cuba, vous l'aurez compris en nous suivant pendant ces trois semaines, n'est pas noire ou blanche, facile ou difficile, triste ou souriante. Elle est tout et son contraire à la fois, selon les individus sur lesquels on tombe. Infiniment complexe par son histoire, sa culture et son contexte politique, elle demande, pour être comprise, un temps d'adaptation plus important que dans d'autres pays plus lointains de l'Europe, géographiquement, mais plus proche, du point de vue des mentalités. Et il n'est pas certain qu'on parvienne vraiment à la comprendre, en fin de compte...
La Casa de la Trova de Trinidad est une galerie de personnages qui, tous, d'une manière ou d'une autre, représentent cette île, ses métissages et toutes ces petites choses qui, à nous yeux, sont autant de paradoxes. L'un d'eux est un beau danceur noir d'une soixantaine d'années, toujours habillé de noir, coiffé d'un béret blanc ou rouge selon les soirées, l'oeil luisant, l'air cynique, et très prompt à inviter toutes les femmes de l'assistance, Cubaines ou touristes, dans des salsas endiablées. Même les danseuses expérimentées finissent par perdre le fil, tant les mouvements qu'il invente sont ingénieux et compliqués. A la fin, il remet invariablement à sa partenaire la carte d'une de ses amies qui donne des cours de danse quelques rues plus loin.
En nous promenant dans l'une des rues les plus populaires de la ville, hors du centre historique, nous avons été interpelés l'autre jour par un vieillard aux cheveux blancs, torse nu, assis sur une marche devant une maison, portant des lunettes beaucoup trop grandes pour lui et un short hors d'âge, et racommodant de vieilles chaussures. C'est le regard, après plusieurs secondes d'arrêt perplexe, qui m'ont permis d'identifier notre danseur, lui-même comme soulagé d'avoir été reconnu. Difficile d'échanger autre chose que des banalités sur la nécessité de travailler et de gagner un peu d'argent, tout en se promettant de se revoir le soir. La rencontre fut troublante. Elle résumait d'une certaine manière la vie de nombreux Cubains que nous avons rencontrés: Eduardo, architecte le jour, conducteur de calèches en soirée; Felix, ingénieur spécialisé dans les moulins à sucre, qui vit en jouant des chansons de Silvio Rodriguez et Pablo Milanes dans les bars; Jorge, paysan le jour, chanteur le soir; Felicia, tisserane le jour, danseuse la nuit; Margarita, professeure de biologie qui, après 27 ans de travail, a préféré se consacrer pleinement à sa maison d'hôtes; Luiz, lui aussi ingénieur, devenu chauffeur de taxi depuis la crise de l'industrie sucrière (en 20 ans, Cuba est passé de près de 300 entreprises à 6, puis, actuellement, une vingtaine en activité). Et tous ces ingénieurs, licenciés universitaires, qui vivent de petits travaux en rapport avec le tourisme, non qu'ils ne trouvent rien dans leur secteur, mais parce qu'aller marcher une demi-journée dans la sierra avec deux touristes rapporte bien plus que travailler 1 mois dans son domaine de spécialisation.
Avec tous ça, disons-le pour que les choses soient claires, les Cubains qui se plaignent amèrement sont rares ou en ont après votre porte-monnaie. La plupart critiquent les difficultés liées aux mesures de la période spéciale, le système des deux monnaies, mais ne prétendent pas mourir de faim ou souffrir d'autre chose que de l'embargo. Au contraire, en tout cas à la campagne, ils aiment à souligner tout ce que leur offre leur île. Finalement, c'est en tout cas ce que nous avons pu constater pendant ce séjour, c'est sans doute à La Havane que la vie est la plus difficile. En province, les oeufs, la viande, le poisson, les fruits et les légumes sont abondants et accessibles en monnaie nationale à des prix tout à fait abordables. Le problème principal concerne les biens "de luxe": vêtements, matériel scolaire (mais là encore: nous avons visité ce matin une école de Trinidad et avons appris que les enfants recoivent deux stylos par mois...), cosmétiques et produits culturels (livres, disques, etc.). Nous avons constaté que la plupart de nos interlocuteurs, tout en étant critiques sur certains aspects de la vie ici, sont globalement très positifs et nous narguent gentiment en nous rappelant que l'espérance de vie à Cuba est de 77 ans, qu'ils ne paient pas le moindre peso pour être suivis et soignés lorsqu'ils en ont besoin, et que toutes les formations scolaires et universitaires sont payées par l'Etat.
Evidemment, du discours aux sentiments, de la mauvaise fortune au bon coeur, de ce qui se pense à l'intérieur des maisons à ce qui se chante dans les bars, il y a forcément un décalage qu'il n'est pas facile de percevoir en 20 jours. Mais l'optimisme général, l'énergie, la solidarité des Cubains laissent admiratif. Ici, on ne geint jamais, on agit, même après un ouragan...
Au bilan, il est évident qu'il faudrait voir plus, diversifier les expériences, en revenant si possible à une saison moins chaude, moins troublée, et avec les petits "trucs" acquis lors d'une première visite. Pour l'heure, nous nous réjouissons quand même de rentrer, malgré les amis que nous laissons ici, à Trinidad notamment, amis qui n'ont rien à offrir en souvenir qu'un vieux cahier de musique, une petite dédicace au coin d'un bout de papier ou quelques mots, amis dont on se doute bien qu'il sera difficile de les revoir... Mais telle est la loi du voyage qui, comme le dit Nicolas Bouvier, ne fait pas, mais défait, apprend à SE DÉFAIRE de ce qu'on était, ou de ce qu'on croyait pouvoir être.
Merci à tous nos lecteurs, et à tous ceux qui nous ont envoyé quelques pensées par leurs commentaires et messages divers. Revenez voir ces pages de temps en temps, pour les photos de Cuba, mais aussi pour d'autres clins d'oeil vers l'Amérique latine!
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Cartographie: Carnets de route, Cuba par mots et par vents
Bonjour à tous,
Je viens de recevoir un message de nos amis de la section neuchateloise de l'Association Suisse-Cuba concernant la possibilité d'aider les Cubains en cette période difficile d'ouragans. Je vous le transmets tel quel. Demain, nous vous enverrons nos dernieres nouvelles cubaines avant le retour... et les photos!!
Chers ami(e)s,
Comme vous le savez, les Caraïbes vivent des moments dramatiques et Cuba n’a pas été épargnée, non plus, par les ouragans qui se suivent, d’une manière inhabituelle, et sont d’une violence inouïe.
Comme dans les autres régions des Caraïbes, les dégâts à Cuba sont énormes, les maisons détruites se comptent par miliers, l’agriculture est anéantie, heureusement les pertes en vie humaine sont moindres. Aussi, lors du récent Comité national de notre Association, qui s’est tenu le 6 septembre à Zofingen, il a été décidé de lancer, à travers toutes les sections de l’ASC, une collecte d’argent en faveur de Cuba.
Notre section s’y est engagée. Cuba mérite notre soutien et nous faisons, aujourd’hui, appel à votre solidarité pour aider à reconstruire ce pays. Vos dons peuvent être adressés au compte postal de
ASSOCIATION SUISSE-CUBA
Section Neuchâtel
CCP : 23 – 1487 – 7
Avec la mention « Ouragans »
Le Comité de notre section est chargé de transmettre vos dons au Comité National. En effet, les sommes ainsi récoltées seront remises à l’ambassade de Cuba, à Berne. Nous vous tiendrons, bien entendu, au courant de cette action.
Vous remerciant par avance, recevez cher(s) ami(e)s, nos salutations fraternelles.
Le Comité neuchâtelois
Cartographie: Carnets de route, Cuba par mots et par vents
mercredi 17 septembre 2008
Il pleut des cordes. Les rivières s'improvisent de nouveaux cours, charrient de la montagne des eaux rougeâtres qui forment des lacs étranges et lugubres, les boeufs et les chevaux en ont jusqu'au ventre, les routes ne sont, par endroit, plus visibles et les rues des villes sont tranformées en canalisations ouvertes. C'est un gros orage comme il y en a tant par ici. Demain, les Cubaines pousseront l'eau hors de leur maison avec des balais et tout recommencera jusqu'à la prochaine fois. Rien de dramatique, somme toute, mais pour nos yeux d'Européens qui s'émeuvent chaque fois qu'il y a cinq centimètres d'eau dans une cave, la "normalité" de cette météo tout en excès (35 degrés à l'ombre la journée, 80% d'humidité, nos fruits et légumes d'été qui ne poussent qu'en hiver, etc.) est bien troublante.
Nous avons traversé aujourd'hui le pays du sud au nord, de Trinidad à Remedios en passant par Sancti Spiritus et Placetas. Si plusieurs pays d'Amérique latine offrent des villes assez invariablement identiques, Cuba a cette spécificité des paysages urbains variés, chaque ville ayant son histoire propre, parfois son architecture typique. On n'y restera pas nécessairement plus d'une journée ou deux, mais à en visiter quelques-unes, comme ça, successivement, on n'a pas l'impression de s'être déplacé et arrêté pour rien.
Sancti Spiritus, capitale de Province, est une ville par bien des aspects aussi charmante que Trinidad, mais négligée du tourisme (et s'en foutant d'ailleurs royalement!). Les bâtiments sont ici aussi tout en couleur, mais plus cossus. Il y a plusieurs beaux marchés dans lesquels on ne voit que des Cubains, la vie s'exprime en monnaie nationale, pas de rabatteurs, pas de propositions louches, bref, un très bon moment. On y trouve également deux des plus vieilles églises du pays, mais celles-ci sont fermées, malheureusement. Reste donc à se balader, à observer les scènes de vie quotidienne, une (vraie) fabrique de cigares, des enfants dans une école, un hôpital, le tout apparaissant qu'on le veuille ou non, à travers les fenêtres sans vitres et à hauteur de visage qu'on longe en se promenant dans les rues.
Placetas, c'est le far-west. De grandes avenues bordées d'anciennes constructions en bois, le camion (soviétique) et le cheval comme seuls moyens de transport, des hommes tous coiffés d'un chapeau, des orchestres de cuivres qui répètent un mélange de jazz, de classique et de musique populaire cubaine autour de la place centrale... on pourrait y tourner un film sans rien changer au décor.
Et Remedios, c'est un vieux village au milieu duquel trone une magnifique église du XVIIIe siècle (fermée elle aussi), où les enfants courent pieds nus dans des rues en terre battue et où chaque coté de la place centrale est animé par un restaurant où l'on paie de préférence, ici encore, en monnaie nationale.
Des villes où on touche de plus près à la vie quotidienne cubaine, à l'artisanat directement utile à la population (fabrication de chaussures, de ceintures, vente d'outils usagés de tout genre, bricolage de vélos, de tracteurs, retapage de meubles, etc.).
Dans toutes les maisons, même les plus modestes (toujours ouvertes sur la rue), on voit des vieux meubles magnifiques, des tableaux aux cadres hors d'âge, des portraits de famille, tous objets qui, en Europe ou dans d'autres pays d'Amérique latine, auraient été éliminés au profit d'un meuble à monter soi-même ou d'un gadget électrique, plus pratique, plus compact... Les appartements cubains sont de vrais musées, toujours impeccables, confortables, où on ne peut pas ne pas s'asseoir, même lorsqu'il s'agit d'attendre 20 secondes.
A la campagne, les Cubains ne se plaignent pas. La vie est en fait moins difficile qu'à la Havane, puisqu'en plus des tiquets d'alimentation, chacun peut facilement se procurer des fruits, de la viande, du pain, etc. Invariablement, on entend des phrases comme: "De quoi devrait-on se plaindre? Nous sommes grands, gros, forts, et travaillons moins qu'en ville". Le chauffeur de taxi qui nous a emmenés aujourd'hui a profité de chaque halte pour remplir son coffre d'articles difficiles à trouver à Trinidad: oranges (qui, ici, ressemblent à des citrons verts), lard et viande fumée, textiles et savons artisanaux à des prix raisonnables, etc.
Une autre facette de cette île multicolore, multiculturelle, multi-tout, qu'il faut prendre le temps de découvrir hors des sentiers battus.
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Cartographie: Carnets de route, Cuba par mots et par vents
mardi 16 septembre 2008
Sur Cuba, bastion du socialisme pur et dur, j'avais tout entendu avant de visiter l'île. Et notamment à propos de la liberté d'expression, des risques que courraient les Cubains à critiquer le régime, ou à afficher leur sympathie vis-à-vis des Etats-Unis.
Certes, nous avons rencontré quelques personnes qui, en nous parlant des problèmes actuels de la vie sur l'île, baissaient la voix ou regardaient autour d'eux. Mais il convient de vous faire part de quelques observations qui nous ont nous-mêmes surpris, car en fait de terrible dictature autoritaire et bridant la liberté de pensée, on a vu pire.
Nombre de Cubains se promènent dans la rue avec des casquettes ou des t-shirts à l'effigie des USA: aigles, sigles US-Army, drapeau américain, parfois même sur fond de treillis militaire. Le coca, contrairement à ce qu'on pourrait croire, n'est pas du tout interdit ou introuvable sur l'île. Tous les restaurants ou presque en vendent, parfois même certains commerces. C'est idiot, car le Tukola cubain est bien meilleur. Mais voilà: les irréductibles de la marque américaine ne seront pas frustrés ici et les cannettes de coca ne sont pas dix fois plus chères que celles de tukola, qu'on se le dise.
Dans les boutiques de La Havane, vous trouverez du Ralph Lauren, du Nike ou du Reebok, pour autant que vous en ayez les moyens (comme partout). Ces articles sont en vitrine.
A la télé cubaine, d'excellente qualité dans l'ensemble, on diffuse à partir de 22h des films américains (en général assez bons) en langue originale et sous-titrés en espagnol. Nous avons par exemple vu une partie du Barbier (je ne sais plus le titre exact), avec Johnny Depp. Notre hôte à La Havane, professeur d'histoire à l'Université, auteur des livres dans lesquels les jeunes Cubains apprennent l'histoire, regardait la version espagnole de la chaîne brésilienne Globo.
Il est en revanche interdit de se procurer grace à une parabole ou à un décodeur certaines chaînes des Etats-Unis, et notamment celle diffusée par les Cubains de Miami. Disons-le clairement, nombre de Cubains la regardent, à plein volume, fenêtre ouverte. Avec le nombre de policiers qui passent dans les rues, si ces actes de "subversion" étaient systématiquement et sévèrement punis, les contrevenants seraient plus discrets.
Autre chose encore: les lois sur la restauration sont très sévères sur l'île. Il y a des restaurants officiels, des maisons d'hôtes qui prennent une licence pour offrir également la restauration (c'est le cas de celle où nous logeons actuellement), et des "paladares", maisons particulières qui acquièrent une autorisation pour mettre à la disposition des touristes quelques tables. Dans ces derniers établissements, on ne doit normalement pas servir certains plats réservés aux restaurants (fruits de mer, langoustes), pour ne pas faire de concurrence. Or dans toutes les villes, à tous les coins de rue, non seulement on vous offre des fruits de mer à tour de bras, mais en plus les restaurants illégaux sont légion, à tel point que dans une petite ville comme Trinidad, il est presque difficile de trouver un paladar officiel. On vient vous chercher dans la rue, on vous donne le prix du plat de langouste, et ce sans complexe, devant les voisins, les passants, et à une telle fréquence qu'ici encore, il semble que la "répression" ne soit pas une réalité trop inquiétante pour la majorité des Cubains. A la limite, c'est le restaurateur honnête, avec permis, qui est le plus souvent tracassé par des controles de toutes sortes.
Même observation pour les faux taxis, particuliers qui vous offrent des excursions à des prix plus chers que les agences officielles, et qui sont à tous les coins de rue. Ceux-ci ne se cachent pas et ne regardent pas autour d'eux pour vous faire leur offre. Pas plus que les mendiants, en principe interdits.
A tel point qu'on en vient à se demander s'il n'y a pas un peu de mise en scène de la part de ceux qui chuchotent de petites critiques du régime en vous donnant l'impression qu'il y a des espions cachés partout...
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Cartographie: Carnets de route, Cuba par mots et par vents
Comment vous raconter Trinidad sans images?
Il faut imaginer une ville toute colorée au pied d'une chaîne de montagnes et face à la mer des Caraïbes, une ville qu'on appelle parfois "la ville musée", une ville qui pourrait ressembler à une de ces boîtes de bonbons de nos grands-mamans, avec des papiers de toutes les couleurs et le bonbon collé au papier... Marché artisanal, rues pavées, lot impressionnant d'offres touristiques en tout genre, tout y est. Sauf que, bizarrement, malgré les rabatteurs, les nombreuses personnes qui vous offrent en anglais chambres, service de taxi, de restauration (illégale), Trinidad est une ville qu'on n'a pas envie de quitter, où l'on a l'impression de vivre Cuba en profondeur, où on ne se lasse pas de contempler les scènes de rue en tout genre: discussions aux fenêtres, parties de domino, de foot, de volley ou de baseball avec des ballons complètement dégonflés ou des cailloux en guise de balle, etc. Trinidad est donc le paradis du photographe (pas de bol pour vous!), mais aussi du flâneur en quête de conversations avec des Cubains la plupart du temps très simples, très authentiques, et toujours heureux de partager un moment avec un amigo suizo. Nous profitons, donc, et passons des soirées indescriptibles à la Casa de la Trova (maison de la chanson), où nous sommes déjà connus comme le loup blanc, à parler musique avec des artistes en tout genre: purs danseurs de salsa, contemporains de Compay Segundo, où interprètes de la nouvelles chanson cubaine qui m'ont déjà proposé de me transposer toutes les chansons dont je pourrais avoir besoin. Après deux cours de guitare, je suis même rentrée chez moi avec une guitare hors d'âge, bricolée de toute pièce, qu'on m'a prêtée pour que je puisse "practicar un poquito". Voilà pour l'ambiance générale. Ajoutons à cela un logement parfait chez une hôtesse qui aime parler de tout, de ses recettes (exquises) à la politique de l'Amérique latine, toutes sortes de découvertes entre la montagne-jungle toute proche et la mer, et vous avez une vague esquisse des jours que nous passons ici.
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Cartographie: Carnets de route, Cuba par mots et par vents
jeudi 11 septembre 2008
Au début de notre sejour, nous vous parlions des différentes manières grâce auxquelles certains Cubains se procurent des CUC (monnaie convertible forte, celle des touristes, mais dont les Cubains doivent se servir pour acheter nombre de produits). Je souhaiterais ici préciser un certain nombre de points, d'abord parce que mon article ne voulait en aucun cas montrer du doigt ces pratiques, souvent plutôt amusantes (ou désolantes, si l'on se place du point de vue de celui qui en est réduit à les utiliser), et puis parce que nous avons rencontré des touristes détestables qui ne savent rien de la situation économique de l'île et se comportent souvent de manière abjecte avec les Cubains.
Premièrement, il faut savoir que les Cubains sont payés et vivent avec une monnaie nationale, le peso cubain, que le touriste n'aura en général pas besoin d'utiliser, sauf pour acheter des fruits, du riz, des haricots dans les marchés pour Cubains. Actuellement, 1 CUC (monnaie touristique équivalente au dollar américain) vaut 24 pesos cubains. Le salaire des Cubains est variable, mais contrôlé de maniere à éviter des inégalités trop flagrantes. Un professeur d'université est payé 800 pesos (un peu moins de 40 CHF par mois). Un gardien de musée environ 300 pesos. En plus de son salaire, chaque Cubain recoit chaque mois un carnet d'alimentation qui donne droit, pour chaque personne vivant sur ce revenu, à 8 oeufs, 500 gr. de poulet, 250 gr. de riz, 1 bol de haricots noirs, du sel, du sucre, 200 gr. de café, un petit pain par jour, du lait pour les enfants jusqu'a 7 ans, un quart de litre d'huile, un savon un mois sur deux, une dose de poudre à lessive un mois sur deux, 1 tube de dentrifrice pour 3 personnes tous les 3 mois, un demi-litre de détergent universel tous les 6 mois. Dans les magasins reservés aux Cubains, ceux-ci peuvent bien sûr acheter un peu plus de chaque chose avec leur salaire, puisque les éléments du carnet ne couvrent pas les besoins mensuels. Le gros problème est l'achat des habits, de boissons en bouteille, de produits cosmétiques ou nettoyantes divers, sans parler des livres, cahiers, stylos, etc., qui ne peuvent être acquis qu'en CUC. Les Cubains ont donc besoin de CUC. Ceux qui travaillent directement avec les touristes en ont facilement. Les autres doivent les trouver d'une manière ou d'une autre, d'où certains procédés un peu limite parfois, ou une insistance à rendre des services moyennant rémunération.
Toutes choses finalement compréhensibles pour peu qu'on observe, qu'on discute, et qu'on essaie de donner directement le bien manquant: t-shirts, habits, chaussures, savon, dentrifrice, brosses à dents, etc. La gratitude est souvent mille fois plus visible que si l'on tend un billet. Essayez un peu de donner un savon à une mendiante des Saintes-Maries-de-la-Mer et vous me raconterez...
Encore un exemple concret de cette situation économique difficile. Nous avons rencontré à Cienfuegos un conducteur de calèches qui nous a fait decouvrir la ville, nous a amenés chez des Cubains ou nous avons mangé comme des princes, nous a donné de nombreuses indications précieuses. Il est architecte. Sa femme urgentiste. A eux deux, ils gagnent moins en un mois que lui avec son cheval en un week-end, transportant des touristes (ce qu'il n'a absolument pas le droit de faire). En utilisant son taxi, on le fait donc entrer dans l'illégalité. S'il se fait remarquer par la police, l'amende peut être sévere. Mais on rencontre un Cubain, on discute, on échange, on donne un savon ou un pull et, concrètement, avec les dix CUC qu'on laisse pour toute une soirée passée à découvrir, on aide...
Certains touristes prennent très mal cette situation, se fâchent contre l'insistance de ceux qui offrent leur service, contre l'inégalité des prix Cubains / touristes. Ce sont ceux dont le principe de voyage est un billet d'avion cher contre 3 semaines de vie pour rien. Ceux qui voudraient que tout en maintenant un blocus infame contre cette île, on vienne ici se bronzer sur les plages, danser, manger des fruits de mer, au même prix que les Cubains... qui ne peuvent pas faire tout cela!
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Cartographie: Carnets de route, Cuba par mots et par vents
Etant donné les conditions climatiques, nous ne pourrons pas aller jusqu'à la province de Manzanillo où nous aurions dû visiter l'école de musique Manuel Navarro Luna et remettre le matériel que nous avons apporté ici. Grosse déception, en partie consolée par la bonne volonté de la directrice de l'ICAP (Institut Cubain pour l'Amitié entre les Peuples) où nous logions, qui nous a proposé de nous arranger une visite de l'école de musique de Cienfuegos. Nous avons donc pris l'initiative de remettre une partie du matériel à Cienfuegos et de faire acheminer l'autre partie à Manzanillo par l'intermédiaire de l'ICAP.
Deux téléphones et l'école de musique Benny Moré, fermée normalement jusqu'à lundi, s'est ouverte spécialement pour nous. Une délégation d'une dizaine d'élèves avait été convoquée. Ils nous ont joué quelques pièces, nous avons discuté, découvert la structure de l'école puis presenté le matériel qui a beaucoup touché les professeurs et la directrice.
J'ai un enregistrement du concert mais, comme pour les photos, il est impossible ici de télécharger quoi que ce soit. J'espère donc que vous reviendrez voir ces pages après notre retour pour les découvrir plus complètes.
Le systeme d'éducation cubain est l'un des meilleurs, si ce n'est le meilleur d'Amérique latine. L'école est gratuite, ce qui n'est pas évident dans cette région du monde. A Cuba, les enfants sont suivis en fonction de leurs problèmes ou de leurs talents spécifiques, et c'est de cette manière qu'on recrute par exemple les futurs musiciens, qu'on crée des classes spéciales pour des enfants ayant besoin d'un suivi médical spécifique (par exemple pour les mal-voyants).
L'école de musique que nous avons visitée permet aux enfants de suivre les cours normaux de langue, mathématiques, histoire, etc. le matin, et de faire de la musique l'après-midi. L'enseignement comprend l'apprentissage d'un instrument spécifique, vers lequel l'enfant est dirigé en fonction de ses goûts, mais également de sa constitution physique (!). Tous suivent en outre des classes communes de solphège et d'histoire de la musique, des cours de piano et de chant. L'école en question forme des enfants aux degrés primaires et secondaires, qui iront ensuite se perfectionner dans une autre province. En lieu et place du service militaire, ils sont affectés comme professeurs de musique dans une école puis deviennent ensuite ou professeurs, ou musiciens d'ensemble, ou solistes. Il semble que la carrière musicale puisse se faire sans problème à Cuba et que ces enfants aient donc un avenir assuré.
Le niveau des éleves que nous avons entendus était en tout cas excellent, et vu l'état de certains instruments (notamment la guitare du premier prix 2008 de musique classique), nous ne doutons pas de l'utilité de notre donation...
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Oye compañeros! Estamos de vuelta!
(Prononciation à la cubaine: oe oaeo! Eao e wuea!)
Cinq jours de claustration à Cienfuegos, quelques sueurs froides, des images effrayantes à la télé quand il y avait du courant, voilà plus ou moins ce que traduit notre long silence de ces derniers jours.
La region où nous etions n'a été que peu touchée par l'ouragan dont l'oeil se situait pourtant à 30 km de la ville ou nous étions. Arbres arrachés, toits écroulés ou envolés, mais l'inondation s'est limitée à la zone basse de la ville; le plus dangereux était finalement, depuis hier, les risques d'éboulement des maisons ou les chutes de tuiles, ainsi que les problèmes sanitaires (voir plus bas). Nous avons fait quelques photos mais ne pouvons les mettre en ligne. Ce sera pour notre retour en Suisse.
Il faut saluer la magnifique prise en main de ce type d'événement climatique, à Cuba. Plus de 24 heures avant le début des hostilités, l'alarme était donnée. Les zones les plus critiques ont été évacuées (270'000 personnes dans la région orientale), des consignes de sécurité étaient diffusées 24 heures sur 24 à la television et à la radio, avec toujours le même message principal: éviter à tout prix les pertes humaines.
Dimanche soir à Cienfuegos, alors que l'ouragan était au plus fort dans l'est, on s'attendait au pire dans une ville déjà très durement touchée en 2005. Les particuliers se sont mis à clouer des planches pour consolider portes et fenêtres, à remplir les réservoires d'eau sur les toits pour éviter qu'ils ne s'envolent, à démonter les antennes de télé, toutes les enseignes, à débrancher et rentrer les bombonnes de gaz ainsi que tous les objets susceptibles de se tranformer en projectiles. Les forces de protection civile démontaient tous les panneaux publicitaires, les cabines téléphoniques, les réverbères, coupaient les branches et arbres dangereux et 3 heures avant l'arrivée du cyclone dans notre zone, lundi 8, l'électricité était volontairement coupée pour éviter les accidents et les incendies.
Nous logions à l'ICAP (Institut Cubain pour l'Amitié entre les Peuples) et ce fut une chance, car les maisons d'hôtes de Cienfuegos se situent sur la côte et sont en bois... Nous avions du dur, et surtout des gens très experimentés qui nous ont interdit de sortir depuis dimanche soir et jusqu'à mardi après-midi. Nous avons donc aidé a démonter, puis remonter, nettoyer, etc.
Ceci dit, si nous avons eu de la chance, les Cubains des zones nord-est et de l'ouest sont dans une situation catastrohique, vous le savez sans doute. Outre les problemes d'innondations, de maisons et de bien privés détruits, les cultures ont été ravagées, ce qui en pleine saison du tabac, du café et des bananes, est dramatique. Ajoutez à cela l'éternel embargo, une vie dure même avec la récente reprise que connaissait l'économie cubaine grâce à la Chine, et vous aurez un tableau de la misère actuelle de l'île.
Malgré cela, il y a chez ces gens une volonté de repartir qui nous a impressionnés. Les écoles ont repris tant bien que mal ce matin dans de nombreuses régions. On ne parle partout que de reconstruction, et on fait le bilan de ce qui a été sauvé plutôt que de ce qui est perdu. A Cienfuegos et dans la campagne plus touchée que nous avons parcourue ce matin, on nettoie depuis mardi nuit et jour, on fait sécher les cultures ravagées pour récuperer ce qui est récuperable, et même dans l'est, l'état d'esprit est le même. Propagande, diront certains, mais je ne crois pas. Les Cubains ne sont pas de ceux qui se lamentent et l'énergie de chacun (particuliers, protection civile, armée, etc) est touchante.
Reste maintenant le plus grave problème: les pluies dans certaines zones, qui continuent, et l'état de l'eau. Nous n'en avions plus, à Cienfuegos, depuis mardi soir. Pour vaguement nous laver et rincer les toilettes, il a fallu en puiser dans une citerne, une eau très brune, nauséabonde, remuée, qui est également utilisée à la consommation après avoir été bouillie. Or tout le monde ne peut plus bouillir l'eau, vu les circonstances.
Il faudrait pouvoir faire quelque chose, mais c'est difficile. Nous avons donc repris la route ce matin non sans un certain sentiment de malaise, pour arriver a Trinidad où la situation est également bonne. Nous resterons ici plusieurs jours et circulerons depuis cette belle ville colorée adossée à la montagne et faisant face à la mer.
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vendredi 5 septembre 2008
1) Scenes de rues insolites
Que se passe-t-il dans cette petite rue de Habana Centro?
On distribue, cette semaine, de nouveaux refrigerateurs aux Cubains, ainsi que de nouveaux systemes d'air conditionne. Pour remplacer les anciens appareils sovietiques, les habitants de La Havane ont recu un bon qui les autorise a acheter un nouvel appareil a un prix relativement raisonnable. Lorsque le materiel arrive, c'est donc l'evenement.
De nombreux appartements sont pourvus, ici, d'appareils a air conditionne. Vu la chaleur, on comprend, mais ajoutes aux systemes plus traditionnels de ventilateurs au plafond, et de petits ventilateurs d'appoint, ces differents moyens de rafraichir l'interieur des maisons doivent presenter une consommation electrique dementielle. Dans certains appartements, il y a un climatiseur par piece... Changer les appareils hors d'age est donc plutot une bonne chose dans une ville ou les gaz d'echappement des ladas et des vieilles Chevrolet rafistolees de partout rendent l'air (deja chaud et humide naturellement) proprement irrespirable. Plusieurs Cubains nous ont parle de cette initiative de l'Etat avec beaucoup de satisfaction. En passant dans un "supermarche" reserve aux Cubains, nous avons vu ces cuisinieres, frigos et autres appareils electriques subventionnes que certains peuvent pour ainsi dire echanger contre un bon.
2) Gustave
La region de Vinales, ou nous devions partir aujourd'hui, a ete totalement devastee la semaine derniere lors du passage du cyclone. Nous avons rencontre des Francais qui ont vecu trois jours la-bas barricades dans une maison, sans nourriture, sans electricite, et avec les stocks d'eau en bouteille du village. Ils n'ont pu rallier La Havane qu'en payant au prix fort un particulier. Le frere de notre logeuse, qui vit a Pinar le Rio, dit qu'il n'y a plus de nourriture (deja difficile a trouver pour les Cubains en temps normal, voyez ci-dessous). Les elevages et les cultures ont ete rases et la reserve botanique de la region, l'une des plus importantes de l'ile, a perdu plus de 600 especes de plantes. Les premiers avions d'aide (russes, venezueliens et argentins) sont arrives hier.
Les Cubains ont cette faculte de voir le positif de toute chose, qui fait qu'on nous parlait hier de l'ouragan comme d'un grand malheur, certes, mais qui permet de tester la solidarite des Cubains et des peuples d'Amerique latine en general. Chaque recit d'entraide devient une raison de se consoler des pertes, voire de se rejouir. Quant a la nourriture, on attend qu'elle arrive. Il n'y a pas grand chose d'autre a faire...
3) A la recherche de riz
Nous avions decide de ne pas aider ceux qui nous le demandent, ou semblent nous le demander, en donnant de l'argent, et sommes donc alles hier acheter du riz pour Ibrahim le pecheur (c.f. message precedent). Apres etre entres naivement dans des supermarches ou nous pensions trouver des paquets de riz, pour constater qu'il y avait la avant tout des produits Nestle mais pas les articles de premiere necessite, nous avons finalement decouvert l'un de ces locaux dans lesquels les Cubains vont chercher le riz, la viande et le poisson quand il y en a, les haricots et les oeufs dont ils ont besoin. Nous savions qu'il fallait se munir de pesos cubains, puisque les touristes n'ont a priori rien a faire dans ce genre de lieu (les touristes paient en pesos convertibles, 1 pesos valant environ 1 dollar americain, et les prix etant plus ou moins alignes sur l'Europe). Mais nous n'avions pas pense au sac: il n'y a pas de sacs en plastique jetables a souhait, ici, et notre vendeur s'en est procure un dans un commerce voisin... pour touristes!
4) Presence de la Revolution
Inutile de le preciser, evidemment, la Revolution et ses representants sont presents partout. Mais avec un statut different: le Che est partout partout, aussi bien dans les quartiers populaires que dans les boutiques pour touristes et dans la vieille Havane. La voix de Fidel, elle, s'adresse plus directement au peuple, dans des slogans qui font souvent reference a une histoire nationale que la plupart des touristes ignorent. Voici quelques exemples de tout genre croises aux coins des rues:
Le monument national qui nous a le plus frappes, cependant, et qui laisse meme les Revolutionnaires convaincus perplexes, c'est celui-ci:
Derriere les drapeaux noirs, il y a une representation americaine a Cuba. La nuit, des banderoles de propagande anti-castriste defilent au haut du batiment. Les drapeaux ont donc ete places la pour cacher ces slogans, chaque drapeau etant cense representer une victime cubaine des Etats-Unis. Les jours de fete nationale, les drapeaux noirs sont remplaces par le drapeau cubain. Voci la legende officielle: "Cette colline de drapeaux est une reponse du peuple cubain a l'orgueil perfide du Gouvernement des Etats-Unis; 138 drapeaux flotteront dignement sous les yeux de l'empire, pour rappeler des aujourd'hui chaque annee de lutte du peuple cubain, depuis que nos peres fondateurs crierent l'independance en 1868. Comme a cette epoque, devant l'ombre lumineuse de cette colline, nous continuons a lutter comme des hommes et des femmes libres."
L'effet du monument, au bord de la mer, est saisissant. Et de fait, la nuit, il faut savoir qu'un texte defile derriere pour pouvoir en percevoir quelques bribes...
5) Arnaques insolites
Comme partout, le touriste est a Cuba une proie facile. Outre les prix qui changent sur une carte de restaurant en quelques minutes, les contrefacons, la retape pres des restaurants (toutes choses en lesquelles les Cubains ne rivalisent pas avec les Florentins ou les Romains!!), le plus deconcertant est sans doute la maniere dont certains employes de l'Etat (dans les muses, ou aux abords des batiments interessants) vous soutirent quelques pesos pour un service qui n'en est pas un. On vous proposera par exemple de visiter un musee ferme, de nuit, pour un prix bien entendu superieur a celui de l'entree de jour. Les guides dans les musees sont la plupart du temps improvises sur le moment. Si vous voulez prendre une photo, on vous demande de payer 2 pesos de plus (pesos qui partent directement dans la poche du gardien). Bref, l'uniforme, dans ce pays, ne garantit pas l'honnetete. Ce qui en fait un pays parfaitement semblable a tous les autres pays d'Amerique latine!
Cartographie: Carnets de route, Cuba par mots et par vents
mercredi 3 septembre 2008
[Je ne trouve pas les accents sur les ordinateurs cubains. Mes excuses pour les petits problemes de lecture que cela pourra vous causer.]
On les a vues tant de fois, ces images d'une Havane un peu decrepite, ces personnages comme en attente dans des rues d'un autre temps, que j'hesite un peu a publier les miennes. Pourtant, elles m'ont fait plaisir, aussi en voici quelques-unes.
Notre voyage, apres un debut houleux en Suisse, se deroule pour le mieux du cote cubain. Passage de douane sans tracas aucun, chambre parfaite chez des particuliers qui aiment parler de leur ile, ouragans loin des cotes (pour l'instant)... que demander de plus?
De notre premiere journee, hier, a la Havane, je vous raconterai nos deux rencontres principales en vous livrant tels quels les recits de leur protagoniste. Le mythe n'est jamais tres loin. (Mais le mythe n'est jamais qu'une interpretation de la realite, non?!)
Ibrahim, 55 ans, est venu prendre le frais de la Plaza de Armas, a deux pas du bord de mer, lorsque je lui demande si la peche a ete bonne. Cet homme debraille, la peau sur les os, vient en effet de poser a cote de lui une belle canne a peche quasi neuve, dont il raconte qu'elle lui a ete offerte par un touriste espagnol il y a de cela deux ans. D'abord reserve, se limitant a quelques banalites sur la nature, qui n'est plus aussi genereuse qu'avant, sur le poisson, toujours plus petit et moins varie, Ibrahim en vient rapidement a jeter quelques regards autour de lui pour nous dire tout le mal qu'il pense des Cubains, toujours plus egoistes, toujours moins revolutionnaires, ou en tout cas plus de cette Revolution dont, lui, a reve un temps.
D'origine paysanne, Ibrahim est devenu invalide apres une chute d'un vehicule agricole il y a de cela une dizaine d'annees. Il touche une rente du gouvernement cubain qu'il depense presque integralement au marche noir. Il nous explique comment tous ceux qui, ici, travaillent de pres ou de loin avec les touristes jouent sur un double, voire un triple salaire: le revenu legal, le detournement de marchandises dont une part, la nourriture notamment, leur profite directement, et le trafic de celles-ci, avec d'autres touristes ou avec des Cubains. Ibrahim fait partie du circuit quand la peche est bonne. Les autres jours, il mange ses poissons pour economiser un peu de son petit revenu. Et se debrouille en demandant quelque chose par-ci, par-la. Le recit, murmure a quelques centimetres de nos visage, a l'avantage de la clarte. Nous raccompagnons Ibrahim a son port et decidons entre nous que nous irons, un de ces jours, lui apporter un de nos t-shirts et un paquet de riz.
C'est un tout autre genre de pecheur que nous rencontrerons en soiree. Attable dans un restaurant avec sa tante et son cousin, Silvio fete ses trente ans et le fait savoir. Avec son ensemble ADIDAS blanc, il a tout du Cubain de Miami. Si bien que lorsqu'il nous invite a "compartir" autour de quelques bieres et, plus tard, d'un morceau de poisson (qu'il paiera integralement), nous imaginons qu'il fete l'acquisition d'un visa pour l'autre berge du detroit de Floride...
Erreur, a ses dires en tout cas. Silvio raconte avoir herite du grand bateau de peche de son pere avec lequel il travaille du cote de Villa Clara. Silvio ne tarit pas d'eloges envers son pays, dans lequel il vit plutot bien. Son cousin, musicien, nous parle avec enthousiasme du systeme de sante cubain, de l'education, des medecins envoyes dans des pays comme la Bolivie et l'Angola, etc. Tout cela avec le meme look Miami-Beach, training blanc large, basjets, lunettes noires. Nous passons une soiree pour le moins animee avec eux et tout y passe: politique, chants et danse sur le bord de mer avec un groupe de jeunes Cubains et Chiliens, puis concert de salsa sur une place de la vieille ville.
Deux rencontres qui symbolisent parfaitement ce que, jusqu'a maintenant, nous percevons de Cuba: une ile aussi pleine de contrastes que de contradictions, ou ceux qui desapprouvent parlent tout bas pendant que d'autres crient leur enthousiasme, ou les apparences ne correspondent jamais a ce qu'on attendait, ou il faut savoir ecouter les histoires...
Cartographie: Carnets de route, Cuba par mots et par vents
dimanche 31 août 2008
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Cartographie: Carnets de route, Cuba par mots et par vents